THE GOOD FIGHT - MARCEL CADIEUX AND CANADIAN DIPLOMACY by Brendan Kelly, Critique de livre par Jean-Pierre Juneau

 

Jean-Pierre Juneau

Contrairement à des Mémoires qui permettent à un auteur de mettre de l'avant sa propre contribution dans son domaine de prédilection , cette excellente biographie de Marcel Cadieux qui était Sous-Secrétaire d'État au '' Ministère'' , lors de mon entrée en juin 1969 , présente une bonne description de la vie personnelle et surtout professionnelle d'un membre de notre Ministère qui fût l'un des premiers et à bien des égards , l'un des derniers grands mandarins ( comme on les appelait alors ) francophones d'une Fonction publique largement transformée aujourd'hui .

Cette biographie couvre essentiellement une période que les européens et les historiens qualifient de ''trente glorieuses'' , c'est-à-dire les trente années qui suivirent la fin de la Deuxième guerre mondiale .

Marcel Cadieux s'est toujours perçu comme un diplomate de carrière , soucieux de fournir des avis bien informés ,sur les questions internationales dont entre autres , le droit international , ou toute autre question , telle que les relations internationales du Québec , susceptible d'affecter les intérêts globaux du Canada.

Anti-communiste affirmé comme suite à ses premières années en Europe et son expérience marquante au sein de la Commission internationale du contrôle du Vietnam à Hanoï , pro-américain et pro-Otan , il avait pour ainsi dire , la mentalité d'un homme de cette époque ayant été exposé au même type d'expérience.

C'était aussi un haut fonctionnaire qui se fit un ardent défenseur d'une certaine forme d'orthodoxie dans la façon de conseiller les gouvernements tout en défendant ardemment et en valorisant l'expertise particulière qu'un Ministère tel que celui des Affaires extérieures pouvait offrir au gouvernement canadien .

Il a aussi joué un rôle fondamental à l'égard de l'objectif visant à assurer une présence plus adéquate des francophones au sein de ce Ministère .

Il fût l'un des principaux acteurs , pour ne pas dire protagonistes , dans les relations triangulaires conflictuelles qui perturbèrent les rapports entre Québec , Ottawa et Paris au cours des années 60 et 70 ; l'évolution de ces rapports qui s'avéraient très problématiques pour un esprit juridique tel que celui de Marcel Cadieux , occasionna chez lui beaucoup de déception et une grande frustration qui furent en partie la cause des difficultés qu'il commença à rencontrer avec les derniers gouvernements qui précédèrent l'arrivée de celui de Pierre Elliott Trudeau .

À cet égard , Brendan Kelly base une grande partie de ses sources sur le Journal intime de Marcel Cadieux auquel il eût accès , et la partie de ce livre, consacrée aux rapports entre Marcel Cadieux et Paul Martin Sr. est incidemment assez hilarante .

L'arrivée de Pierre Elliott Trudeau marqua toutefois un changement de génération pour ce qui a trait à l'administration du pays , la promotion d'une nouvelle approche et de nouvelles politiques en matière de politique étrangère , du transfert des prises de décisions vers le bureau du Premier ministre , un processus qui ne fit que s'accélérer au cours des années , ainsi que de la prise en main de la question des relations fédérales-provinciales par le Premier ministre lui-même et les membres de son équipe gouvernementale .

Marcel Cadieux devint alors et malgré lui , un homme d'une autre génération et d'une autre époque pour ainsi dire.

Les Mandarins qui subsistaient et qui vécurent cette grande période de transition , virent leur pouvoir grandement réduit et circonscrit ; un nouveau processus décisionnel avec la mise en place de nouveaux comités du Cabinet était privilégié et représentait la nouvelle manière de fonctionner et de prendre les décisions.

Marcel Cadieux consacra ses dernières années professionnelles comme Ambassadeur à Washington sous la Présidence Nixon     ( et les affres du Watergate ), auprès des Communautés économiques européennes à Bruxelles ( l'innovatrice troisième option ) , et comme négociateur avec les États-Unis pour les questions de pêches et droit de la mer (Golfe du Maine entre autres ).

Durant toute cette vie professionnelle , il demeura pro-américain et anti-communiste , alors que ''les vents du changement'' qui suivirent l'arrivée de Pierre Elliott Trudeau comme Premier ministre , avaient commencé à balayer une certaine orthodoxie dans la façon de faire et de penser la politique étrangère au sein du Ministère des affaires extérieures et dans la gestion de la Fonction publique fédérale dans son ensemble. C'était donc une nouvelle époque qui n'était plus la sienne et à laquelle il ne s'identifiait plus .

Pour résumer , une excellente biographie consacrée à un haut fonctionnaire francophone d'une grande valeur , d'une grande intégrité professionnelle, et dont la contribution fût marquante au service du Canada.

 

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